Depuis son élection en 2020, le jeune maire socialiste de Montpellier Michaël Delafosse s'est fait le héraut d'une laïcité sans complexe qui lui a récemment valu les honneurs de l'hôtel de ville de Paris mais aussi de sévères critiques émanant de son flanc gauche.
Le 8 novembre, le Comité Laïcité République (CLR) a décerné son "prix national de la laïcité" au maire de la 7e ville de France, dans la salle des fêtes de l'hôtel de ville parisien, devant plusieurs centaines d'invités.
Pour le lui remettre, l'association, proche du Grand Orient de France, la plus importante obédience maçonnique du pays, avait choisi l'avocat de Charlie Hebdo, Richard Malka.
Professeur d'histoire-géographie de 46 ans, militant socialiste depuis sa jeunesse, Michaël Delafosse a "fait de la laïcité l'alpha et l'oméga de sa politique", a salué le célèbre avocat.
Dès son élection, il a conditionné l'octroi de subventions aux associations à la signature d'une "charte de la laïcité", il a "développé le soutien scolaire public et laïc" et mis en place un "plan de sensibilisation et de formation obligatoire à la laïcité" pour les milliers d'agents de la métropole, a énuméré Me Malka.
"Quand vous êtes un homme ou une femme de gauche, défendre, promouvoir et faire vivre la laïcité, cela résonne comme une évidence", a répondu M. Delafosse.
Profondément ébranlé par les assassinats de Samuel Paty et Dominique Bernard, ce père de deux enfants, qui continue à enseigner trois heures par semaine dans un collège de Montpellier, a dédié son prix à "tous les professeurs", leurs enjoignant de ne "rien lâcher".
Dans son discours, il a aussi dénoncé le "fanatisme qui travaille l'islam, comme naguère il travaillait le catholicisme en France".
"Choses inacceptables"
"Quand je suis devenu maire, il y avait des locaux municipaux qui étaient devenus, ici ou là, des lieux de prière, des lieux non-mixtes, des choses pas acceptables", a-t-il ensuite confié à l'AFP, de retour à Montpellier.
Au lancement de sa charte de la laïcité, il reconnaît avoir eu droit à "de la contestation de l'ultra-gauche" et à des accusations de racisme qu'il qualifie de "n'importe quoi", lui qui prône une ville ouverte sur le monde dans cette région du sud de la France où l'extrême droite compte d'importants fiefs comme Béziers et Perpignan.
Le secrétaire de l'association La Libre Pensée dans l'Hérault, Alban Desoutter, dénonce toutefois une laïcité à géométrie variable, reprochant par exemple au maire d'avoir accordé jusqu'à récemment des subventions "illégales" à la fête catholique de la Saint-Roch.
"Son prix, c'est plutôt le prix de la meilleure instrumentalisation possible de la laïcité", cingle pour sa part sa principale opposante au conseil municipal, Alenka Doulain (DVG, soutenue par la France insoumise).
"On est face à un maire qui dévoie le principe de la laïcité", qui en fait un "objet de discorde" et "cible" la "population musulmane de Montpellier", accuse l'élue. Dans la loi de 1905, le principe de laïcité "s'applique à l'Etat et non aux associations", car "on peut croire ce que l'on veut en France", développe-t-elle.
"Heure de vérité"
"Il y a des gens de gauche qui ne considèrent plus la laïcité comme le coeur de l'engagement et qui ont déserté ce thème. Jean-Luc Mélenchon, on voit bien qu'il a tourné le dos sur ce sujet", contre-attaque M. Delafosse, alors que la France Insoumise est régulièrement accusée de céder du terrain sur la laïcité afin de capter les voix d'électeurs de confession musulmane.
"La gauche doit parler de laïcité tout en portant un projet social, car l'une ne va pas sans l'autre", estime M. Delafosse, en soulignant que sa défense de la laïcité s'accompagne de la rénovation des quartiers paupérisés de Montpellier.
M. Delafosse a "basé sa stature sur l'ordre, la République, la laïcité, la sécurité", adoptant une "posture qui l'enferme un peu", estime un proche du patron du PS Olivier Faure - avec qui le maire de Montpellier entretient des relations exécrables -, tout en lui reconnaissant des convictions "profondément de gauche et contre les inégalités sociales".
"Il fait partie de ces jeunes élus, comme Benoît Payan à Marseille, qui se révèlent bons dans leur poste. S'ils sont réélus, ils deviennent des personnages nationaux, l'heure de vérité ce sera les municipales. S'il n'est pas réélu, il est mort", ajoute ce responsable socialiste ayant requis l'anonymat pour s'exprimer librement.
La Rédaction (avec AFP)